C'est une philosophie d'origine grecque, qui s'exporta par la suite à Rome, qui s'enrichit et se développa peu à peu durant des siècles et présente un idéal à atteindre.



Philosophie générale du stoïcisme :





Un stoïcien se sait responsable de ses émotions, il  se rend maitre de ses émotions au lieu de se laisser submerger ou diriger par elles. Il ne se laisse donc pas perturber ni affecter par les événements extérieurs.

Comme aucun événement ne se produit sans cause, tout ce qui nous arrive (même les catastrophes) peut s'expliquer de façon logique, rationnelle. Et même si on en ignore la cause, on sait qu'il y en a nécessairement une, et il faut donc l'accepter pleinement et donc calmement, d'autant qu'on n'y peut rien.




Pour un stoïcien, face à un problème, il n'y a que deux cas de figure :






1- Soit on a un contrôle sur ce problème, et on doit agir à son niveau pour changer la situation.








2- Soit on n'a aucun pouvoir sur ce problème, et si on ne peut rien n'y faire : il faut donc définir ce qui dépend de nous (et dans ce cas agir concrètement pour améliorer les choses) soit reconnaitre que cela ne dépend pas de nous et apprendre simplement à l'accepter.













Le stoïcisme est donc une philosophie qui pousse à agir concrètement quand on peut agir, et à ne pas s'agiter inutilement quand on n'y peut rien.









En effet, il ne rime à rien de s'énerver parce qu'il pleut ou qu’il fait froid, ou parce qu'on s'est cogné contre une table, ça n'arrangera rien, donc pourquoi s'énerver et se mettre en colère ? Si une tornade détruit notre maison, avoir peur ou se plaindre ne changera absolument rien à la situation. Donc pourquoi avoir peur ou se plaindre ? La colère ne fait pas disparaitre la raison de la colère. La jalousie ne fait pas disparaitre non plus les raisons de notre jalousie. Il ne sert à rien d'être dans l'émotion : elles sont un refus d'accepter le monde tel qu'il est. Et ne pas l'accepter serait une forme de folie.









Si j'accepte la réalité sans colère ni tristesse, la situation désagréable perd au moins une partie de son côté désagréable.




Le malheur (que ce soit la mort, une catastrophe naturelle, une déception, etc.) fait partie de la réalité du monde, on la constate telle qu'elle est sans y attacher de valeur émotionnelle.



On ne peut choisir les événements de notre vie, mais on peut toujours choisir notre réaction à ces événements.

Mais le stoïcisme n'est pas une philosophie de la soumission passive à la fatalité. 



Ce n'est pas se dire : je dois accepter les injustices sans réagir. En fait, tout dépend si on est en mesure d'agir concrètement ou pas sur ces injustices, ces problèmes, tout en laissant les choses qui ne dépendent pas de nos capacités, qui sont modestes, donc limitées.





 On doit agir sur le périmètre sur lequel on peut agir, mais vouloir se préoccuper du reste est une perte de temps et une folie, car on n'a aucun pouvoir dessus.  On doit agir à son niveau, et à son niveau seulement. "Sois le changement que tu veux voir dans le monde". Le reste ne nous regarde pas.
[size=18]C'est faire preuve de lucidité, et d'humilité.[/size]




Si on est licencié par exemple, on peut déprimer, se plaindre de la situation autour de nous, rejeter la faute sur les autres, s'enfoncer dans la négativité, et sans doute rester au chômage. Ou alors on peut analyser que le licenciement a une cause rationnelle (une restriction budgétaire par exemple) sur laquelle on ne peut rien, donc se lancer dans une recherche d'emploi sans s’appesantir dans une aigreur inutile et déprimante qui ne pourrait que nous freiner.










Le stoïcisme, c'est juste choisir notre manière de voir les choses.





Un stoïcien, c'est quelqu'un qui transforme un échec en opportunité de changement, la peur en prudence, ses douleurs en occasion de se grandir, de se relever plus fort, et ses erreurs non pas en découragement mais en initiation nécessaire, une forme d'apprentissage pour apprendre à ne plus les recommencer et ainsi s'améliorer.




Prendre de la distance avec ses émotions et accepter les mauvaises choses qu'on ne peut changer aide à garder le calme et la sérénité. Cela permet donc de relativiser les mauvaises choses et même de positiver.


Les stoïciens essaient d'arriver à ce que les philosophes appellent l'ataraxie : la tranquillité intérieure de l'âme. Pour les stoïciens, cet état de sérénité ne peut résulter que de la modération, de l'absence de toutes passions, et de l'harmonie interne obtenue grâce à la méditation et un travail sur soi.




Les stoïciens les plus engagés prônent la méditation et le détachement de l'esprit, pour essayer de faire abstraction du corps, voire de la douleur, ou du moins apprendre à la surmonter dans une indifférence émotionnelle la plus totale possible, d'où l'adjectif "stoïque" pour qualifier quelqu'un qui reste "impassible" (=sans passion), et ne montre pas ses émotions sur son visage.









Savoir accepter la mort pour mieux vivre le présent :







Un stoïcien doit prendre conscience de sa finitude au plus profond de son être.




Accepter pleinement l'idée de la mort, et celle des autres, comme étant normale, une loi de la nature, permet de s'émanciper de cette angoisse existentielle.

"Apprendre à vivre, c'est apprendre à mourir".




La mort n'est rien. Quand on est vivant, elle n'est pas là.

Quand on est mort, on ne la ressent pas.





Donc on a peur d'une simple idée, et cette peur n'est dû qu'au fait qu'on ne vit pas la réalité présente comme on le devrait, c'est-à-dire telle qu'elle est.

Il faut être dans l'instant présent, "hic et nunc", et pas dans la nostalgie du passé ni dans la crainte du futur.








Ne pas être esclave de ses émotions, savoir rester "stoïque" :

Les émotions, les passions, sont des créations de notre esprit qui prouvent qu'on ne vit pas la réalité telle qu'elle est.

Ex : l'angoisse de la mort est un non sens. Idem pour la jalousie. C'est une projection de notre esprit.


Certains sont plus enclins à la colère, d'autres à l'inquiétude, d'autres à la jalousie, mais ce sont des domaines sur lesquels on peut agir, et donc sur lesquels on peut travailler pour s'améliorer. Un stoïcien ne dira pas "Je suis comme ça, c'est comme ça et pas autrement". Il travaille au contraire à s'améliorer, car ça rentre dans son champ d'action.

Par exemple, prenons la jalousie. Si on est jaloux de quelqu'un qui est riche, beau, qui a tout ... serait-on plus heureux s'il n'avait rien ? Non.

Ce qui prouve que ce n'est pas cette personne qui est responsable de notre jalousie et de notre frustration, c'est nous, si nous laissons nos émotions prendre le dessus et nous rendre esclave d'elles.






La sagesse est liée à la compréhension de la réalité vue bien en face, à son acceptation, et parce qu'on accepte pleinement la réalité, aussi négative soit-elle, comme faisant partie de la vie, on peut être heureux et détaché des "passions" que subissent les autres.









Les "passions", étymologiquement, c'est ce que l'on "subit", les émotions par lesquelles on se laisserait dépasser "passivement", dont on ne serait pas maitre.

Le stoïcien refuse d'être passif, de se laisser dominer par ses passions. Il veut en être maitre, et avoir le pouvoir se dominer.


L'empereur Auguste, dans la pièce Cinna (de Corneille) : formule très stoïcienne.






Il faut se rendre maitre de ses émotions qui nous stressent, car nos émotions ne règlent pas le problème qui en est à l'origine.





Beaucoup s’imagent que nos émotions viennent des autres. Ex : si je suis en colère, c'est qu'une personne m'a mise en colère.

Mais si on dit du mal de nous et si on a une parfaite conscience de nos valeurs, à quoi bon se mettre en colère pour l'avis d'une personne qui n'est pas la réalité ? Cela change-t-il quelque chose à notre valeur ? Non. Cela ne change donc rien à la réalité.





Mais pour les stoïciens, si on est en colère c'est juste qu'on arrive pas à gérer nos émotions et l’autre n'est qu'un prétexte pour justifier notre incapacité à les gérer.

On en est responsable de nos émotions.



Les stoïciens apprennent  à rester "stoïques", "impassible", c'est à dire "sans passion", dans une indifférence maitrisée, liée à la conscience que certaines choses ne dépendent pas de nous et que ces émotions ne vont pas régler le problème. En revanche, le stoïcien cherchera à agir si des choses peuvent améliorer la situation.




Ça ne sert à rien d'être dans l'émotion (colère, jalousie, rancune, regrets, remords, etc.) : l'émotion n'est qu'une façon de refuser d'accepter la réalité telle qu'elle est.






Il ne faut pas dépendre de ses émotions qui nous rendent esclaves : savoir gérer ses émotions, ça demande un travail sur soi, mais c'est une chose qui dépend de nous.




Un stoïcien essaie de changer ce qui dépend de lui, ce qu'il peut changer réellement.

Le reste ne nous appartient pas.

Il ne doit donc pas être affecté par ce qui ne dépend pas de lui.

C'est juste une forme de lucidité.








Le bonheur et le désir :



 Vouloir satisfaire ses désirs, c'est le contraire du bonheur, car on désire uniquement une chose que l'on a pas.

C'est s'imaginer que le bonheur dépend d'une chose extérieure à nous.







Le désir, c'est donc un manque. Donc le bonheur, c'est justement apprendre à ne pas désirer, à se satisfaire de ce qu'on a.






Il faut aussi apprendre à s'aimer et se respecter soi-même, sans être dépendant de l'affection ou de l'approbation des autres pour être heureux.




Le bonheur ne doit pas venir de choses externes à soi-même.



Si notre bonheur ne dépend que de nous et des choses simples de la vie, on ne le perd pas si on perd l'amour, de l'argent ou un bien matériel.






Il faut utiliser les choses qu'on a comme si elle ne nous appartenaient pas, car tout est éphémère.






"Ne dis pas : j'ai perdu ma maison, mais "Je l'ai rendue". Use des choses de ce monde comme un voyageur s'arrête dans une hôtellerie, avec des choses qui ne lui appartiennent pas, et peut la quitter pour continuer sa route sans se croire dépossédé, mais en gardant de bons souvenirs."








Le bonheur est un choix consistant à ne pas s'attacher aux "valeurs"  matérielles et revoir nos valeurs pour opter pour la simplicité, les petits bonheurs qu'on peut trouver partout si on veut se focaliser dessus.




Un stoïcien agit dans une sorte de joie interne qui ne dépend pas de l'extérieur, mais de son état intérieur : il est donc plus libre et plus positif.



But de la vie

Le but de la vie, c'est d'atteindre le bonheur, et le bonheur n'est pas une joie exubérante : le bonheur est cette paix liée à la liberté de ne pas dépendre d'émotions, à la sagesse de ne pas avoir de désirs ou d'ambitions irréalistes qui causent des frustrations, et d'accepter sa finitude, et la mort : on relative en étant conscient des limites dans lesquelles on peut agir, mais en le faisant bien.




Le stoïcien doit agir dans tout ce qu'il est en son pouvoir d'agir, dans tout ce qui dépend de lui, sans s’appesantir avec tristesse ou colère sur ce qui n'est pas en son pouvoir.

Le stoïcisme est ainsi une philosophie pratique poussant à mettre nos actes en conformité avec nos pensées, et à devenir meilleur.










Un homme doit accomplir son devoir en dépit des circonstances, accepter son destin et faire les choses du mieux qu'il peut. "La vie est un théâtre. Tu as le rôle d'un esclave ? Fais-le du mieux que tu peux." Plutôt que de s’opposer vainement au sort qui lui est réservé, il l’accepte et dit merci pour l’occasion qu’il a eu de jouer.










Les passions nous empêchent de développer notre raison, et fausse notre objectivité. Ex : ne dit-on pas que l'amour "rend aveugle" ou que la colère "aveugle" ?

C'est donc un travail sur soi d'objectivité absolue pour voir simplement la réalité telle qu'elle est, et accepter la vie et ses épreuves.

Et si on nous insulte, on n'en sera pas blessé si on sait qu'on est quelqu'un de bien ou qu'on y travaille.


Ce n'est pas facile de faire abstraction de ses émotions, c'est dur de se maitriser : un stoïcien ne pensent pas que la sagesse est quelque chose de facile, mais que c'est faisable. Il pense qu'on doit justement passer sa vie à essayer de s'améliorer peu à peu et à tendre vers cette sagesse.





Parmi les vertus attendus d'un stoïcien, il y a évidemment le sens de la justice, mais aussi :

Le courage : accepter les épreuves de la vie de manière sereine et en gardant son intégrité morale.

La tempérance : être raisonnable, jamais dans l'excès : donc ni trop, ni trop peu. Tout doit être dans l'équilibre et la modération !




Retrouver quelques devises latines stoïciennes signifiant :

Supporte. Abstiens-toi !
(sustineo, es, ere : supporter / Abstineo, es, ere : s'abstenir)

Réponse:

La vertu se trouve dans (le juste) milieu.



Virtus, virtutis, f : la vertu, les qualités morales
Sto, stas, stare, stavi, statum : se tenir, se trouver
in (+ ablatif) : dans

medius, i : milieu

réponse:

Quelques grandes figures du stoïcisme :







Le philosophe Sénèque, précepteur de l'empereur Néron.
Sénèque a été homme politique (consul) extrêmement riche, un grand écrivain, épistolier, dramaturge, il finit par devenir le précepteur de Néron, chargé de son éducation impériale et d'écrire ses discours. Il fera preuve d'indulgence envers ses esclaves.

Il écrira "De la vie heureuse","De la brièveté de la vie", "De la tranquillité de l'âme"...et les "Lettres à Lucillius".

Mais il tomba en disgrâce lorsque Néron commença préférer se détourner de la sagesse austère et rigoureuse du stoïcisme et que Sénèque en venait à critiquer la conduite de Néron, dont son goût pour le chant et la course de chars.


Néron le prendra en haine, l'accusera d'avoir participé à une conjuration contre lui et lui fera parvenir l'ordre ... de se suicider, alors qu'il était à table en famille.

Un centurion, dépêché par Néron, veille à l’exécution de la sentence. Sénèque se fera ouvrir les veines, impassible.




"Mais son corps affaibli par les années et par l'abstinence laissait trop lentement échapper le sang, il se fait aussi couper les veines des jambes et des jarrets.




Pendant ce temps, un disciple note les dernières paroles du grand philosophe stoïcien.



Bientôt, dompté par d'affreuses douleurs, il craignit que ses souffrances n'abattissent le courage de sa femme, et que lui-même, en voyant les tourments qu'elle endurait, ne se laissât aller à quelque faiblesse ; il la pria donc de passer dans une chambre voisine. [...] Comme le sang coulait péniblement et que la mort était lente à venir, il pria un ami sûr et un habile médecin, de lui apporter le poison dont il s'était pourvu depuis longtemps, le même qu'on emploie dans Athènes contre ceux qu'un jugement public a condamnés à mourir. Sénèque prit en vain ce breuvage : ses membres déjà froids et ses vaisseaux rétrécis se refusaient à l'activité du poison. Enfin il entra dans un bain chaud, et répandit de l'eau en disant: « J'offre cette libation à Jupiter Libérateur. » Il se fit ensuite porter dans une étuve, dont la vapeur le suffoqua.



Sénèque donna, par son trépas plein de dignité, l’exemple des plus hautes vertus morales face à la tyrannie.


Son corps fut incinéré sans aucune pompe ; il l'avait ainsi ordonné dans son testament, lorsque, riche encore et très puissant, il s'occupait déjà de sa fin »




"Le souverain bien, c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit uniquement de la vertu"





L'esclave grec Epictète :



Epictète était esclave à Rome du temps de l'empereur Néron, puis affranchi. La tradition rapporte qu'il était boiteux, sa jambe aurait été cassée par son maitre.

On rapporte qu'il lui aurait dit pendant qu'il la faisait tordre :  "tu vas finir par la casser".
Et puis la jambe se casse. "Tu vois, je te l'avais bien dit".
Cette anecdote célèbre n'est cependant pas attestées par les témoignages directs d'Épictète, et sont probablement fictives et destinées à asseoir par la suite la légende du stoïcien impassible même face à la douleur physique.

Quoi qu'il en soit, il sera expulsé de Rome lorsque l'empereur Domitien (fils de l'empereur Vespasien et frère de l'empereur Titus) fera expulser tous les philosophes dont il considérait les pensées dangereuses pour son régime politique.



L'empereur Marc-Aurèle :




Cet empereur cultiva toute sa vie l'amour de la sagesse et de la lecture, et l'emporta sur tous les empereurs par la pureté de ses mœurs.

Voici une de ses célèbres prières :
Ô Dieux ! Donnez-moi le courage de changer ce qui doit être changé,et la patience de supporter ce qu'il m'est impossible de changer.

Il mourut apparemment de maladie lors d'une campagne militaire, mais certains suspectèrent son fils, qui deviendra le cruel empereur Commode (et qui n'était pas commode du tout), de l'avoir fait empoisonner. Dans le film Gladiator, le cinéaste invente la scène où Commode étouffe son père Marc-Aurèle pour prendre le pouvoir, mais peut-être n'est-ce finalement pas si éloigné de la réalité.






Citations d'Epictète :


“Avant un plaisir, il faut se méfier de la représentation tentante qu'on en a, il faut se représenter le poids du regret d’y avoir cédé si on le perd, en raison du caractère éphémère de ce plaisir. Si malgré cela ce plaisir paraît toujours tentant, alors seulement on peut s’y adonner”


Si l’on vient te dire que quelqu’un a mal parlé de toi réponds : “Il faut qu’il ignore mes autres défauts, pour ne parler que de ça.”


“L’essence de la philosophie est qu’un homme devrait vivre de manière à ce que son bonheur dépende aussi peu que possible de causes extérieures”









Il faut agir sur ce qu'on peut







Le christianisme se nourrira aussi en partie de cette philosophie, qui lui a d'ailleurs préparé un peu le terrain dans la société romaine avec des thèmes communs.