La Cafet'
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilS'enregistrerConnexion
Partagez

Lettres persanes - Montesquieu - lettre 30

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
AuteurMessage
Modo
Aidactif
Modo

Nombre de messages : 22140

Lettres persanes - Montesquieu - lettre 30 Empty
MessageSujet: Lettres persanes - Montesquieu - lettre 30
Lettres persanes - Montesquieu - lettre 30 Icon_minitimeJeu 27 Mai - 12:54

De RICA pour IBBEN.

Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance.
Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : Il faut avouer qu'il a l'air bien persan.

Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.

Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare (...) Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: " Ah! ah! monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ? "

A Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712





Extrait des Lettres persanes de Montesquieu
Revenir en haut Aller en bas

Lettres persanes - Montesquieu - lettre 30

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Sujets similaires

-
» Ecrivons en lettres...
» Daudet - Lettres de mon moulin - les liens
» Les lettres de mon moulin - Alphonse Daudet
» Vos lettres humoristiques au Père Noël
» Lettres d'Amélie Nothomb aux 3èmes de Laruns

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
La Cafet' :: Index du forum :: Les mains tendues... :: Français :: Explication de textes-
Archivehost Synonymes Dico répétoscope Bonpatron Contacter la modération