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Modo Aidactif
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| Sujet: Les sonnets Sam 27 Aoû - 22:51 | | |
| Le dormeur du val Arthur RIMBAUD 1854-1891 C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. - Spoiler:
https://www.dailymotion.com/video/xev8jg_le-dormeur-du-val_shortfilms https://www.youtube.com/watch?v=8kBXnq15Ijw https://www.youtube.com/watch?v=gzyclZa0zjU&feature=related https://www.youtube.com/watch?v=cJqnJrNf8oA&feature=related http://www.wat.tv/audio/rimbaud-serge-reggiani-dormeur-15uo8_2fgqp_.html https://www.youtube.com/watch?v=7Pzd08knW2k
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 22:54 | | |
| "Heureux qui comme Ulysse ..."
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme celui-là qui conquit la toison Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge!
Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup davantage? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plait l'ardoise fine ; Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin, Plus mon petit Liré que le mont palatin, Et plus que l'air marin la douceur angevine.
(Joachim Du Bellay)
https://www.dailymotion.com/video/x2wzsq_ulysse-y-ridan-sous-titres_news
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 22:55 | | |
| Doris, qui sait qu'aux vers quelquefois je me plais, Me demande un sonnet, et je m'en désespère; Quatorze vers, grand Dieu! le moyen de les faire? En voilà cependant déjà quatre de faits.
Je ne pouvais d'abord trouver de rimes, mais En faisant, on apprend à se tirer d'affaire. Poursuivons, les quatrains ne m'étonneront guère, Si du premier tercet je puis faire les frais.
Je commence au hasard, et si je ne m'abuse, Je n'ai pas commencé sans l'aveu de la Muse, Puisqu'en si peu de temps, je m'en tire si net.
J'entame le second et ma joie est extrême; Car des vers commandés, j'achève le treizième. Comptez s'ils sont quatorze, et voilà le sonnet.
(L'abbé A. Piron)
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:03 | | |
| Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant : « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle! » Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre, et fantôme sans os Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ; Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueilllez dès aujourd’hui les roses de la vie. (Orthographe modernisée) Pierre de Ronsard - Spoiler:
https://www.dailymotion.com/video/xkn154_quand-vous-serez-par-stephane-bersier-sur-le-poeme-de-pierre-de-ronsard_music https://www.youtube.com/watch?v=0khs8RIQRc4 https://www.dailymotion.com/video/x6f1kr_sonnet-pour-helene_fun https://www.youtube.com/watch?v=4ZXgj9pVcZE https://www.dailymotion.com/video/xdwzso_paco-ibanez-quand-vous-serez-bien-v_music https://www.youtube.com/watch?v=Uz4VYFXBjPQ -------------------------------------------------------------------------------- V2 Allusions mythologiques aux "Parques" qui tissent et coupent le fil de la vie. « Ombres myrteux » Allusions à l'Hadès, séjour souterrain des morts. La myrte est une plante, symbole d''immortalité. V 13-14 Devise de la philosophie épicurienne (Cf. Carpe diem, « cueille le jour », c'est-à-dire " Profite de la vie".
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:10 | | |
| Après trois ans (Paul Verlaine) Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, Je me suis promené dans le petit jardin Qu'éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle. Rien n'a changé. J'ai tout revu: l'humble tonnelle De vigne folle avec les chaises de rotin... Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle. Les roses comme avant palpitent; comme avant Les grands lys orgueilleux se balancent au vent, Chaque alouette qui va et vient m'est connue. Même, j'ai retrouvé debout la Velléda, Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue, - Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.
http://video.google.com/videoplay?docid=-1113182731039511416#
Nevermore Souvenir, souvenir, que me veux-tu? L'automne Faisait voler la grive à travers l'air atone, Et le soleil dardait un rayon monotone Sur le bois jaunissant où la bise détone. Nous étions seul à seule et marchions en rêvant, Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent. Soudain, tournant vers moi son regard émouvant: ¨Quel fut ton plus beau jour?¨ fit sa voix d'or vivant, Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique. Un sourire discret lui donna la réplique, Et je baisai sa main blanche, dévotement. - Ah! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées! Et qu'il bruit avec un murmure charmant Le premier ¨oui¨ qui sort de lèvres bien-aimées
Paul Verlaine
https://www.youtube.com/watch?v=ue31zZeo6Q4
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:14 | | |
| SONNETS DE CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867) ¨Correspondances¨ La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une télébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l'expansion des choses infinies, Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
https://www.dailymotion.com/video/xe8252_correspondances-de-charles-baudelai_creation https://www.youtube.com/watch?v=YoOAAGcOd1M
L'ennemi Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils. Voilà que j'ai touché l'automne des idées, Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées, Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux. Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Trouveront dans ce sol lavé comme une grève Le mystique aliment qui ferait leur vigueur? - Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie, Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
https://www.youtube.com/watch?v=aQIqy937Wv0
https://www.youtube.com/watch?v=hD5IDJkrplA
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:26 | | |
| Pierre de RONSARD Comme on voit sur la branche. Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose En sa belle jeunesse, en sa première fleur Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose. La grâce dans sa feuille, et l'amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d'odeurs; Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur, Languissante, elle meurt, feuille à feuille déclose. Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.
Sonnet à Marie
Je vous envoie un bouquet que ma main Vient de trier de ces fleurs épanouies, Qui ne les eût à ces vêpres cueillies, Chutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain, Que vos beautés, bien qu'elles soient fleuries, En peu de temps, seront toutes flétries, Et, comme fleurs, périront tout soudain.
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame, Las ! le temps non, mais nous nous en allons, Et tôt serons étendus sous la lame,
Et des amours desquelles nous parlons, Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle : Donc, aimez-moi, cependant qu'êtes belle.
Pierre De RONSARD
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:29 | | |
| Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ? Où est ce cœur vainqueur de toute adversité, Cet honnête désir de l’immortalité, Et cette honnête flamme au peuple non commune ?
Où sont ces doux plaisirs qu’au soir sous la nuit brune Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté Dessus le vert tapis d’un rivage écarté Je les menais danser aux rayons de la Lune ?
Maintenant la Fortune est maîtresse de moi, Et mon cœur, qui soulait être maître de soi, Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuient.
De la postérité je n’ai plus de souci, Cette divine ardeur, je ne l’ai plus aussi, Et les Muses de moi, comme étranges, s’enfuient.
Joachim du Bellay, Les Regrets
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:36 | | |
| Mon rêve familier Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. Car elle me comprend, et mon coeur transparent Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore. Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore, Comme ceux des aimés que la vie exila. Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues. Paul Verlaine (Poèmes saturniens) - Spoiler:
http://www.wat.tv/video/verlaine-michel-lonsdale-mon-rj41_2fgqp_.html https://www.youtube.com/watch?v=KdWEahtKEj4 https://www.youtube.com/watch?v=wgW25x7hJlk https://www.youtube.com/watch?v=0rXP6zG6ANM https://www.youtube.com/watch?v=k8qB37oio70 https://www.youtube.com/watch?v=ulqYCTfnVtI
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:47 | | |
| L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Charles Baudelaire - Spoiler:
https://www.youtube.com/watch?v=YznFJysK2iA
https://www.youtube.com/watch?v=G5JyrU3DaI8&feature=related
https://www.youtube.com/watch?v=jB8fNp-V5uk&feature=related
https://www.youtube.com/watch?v=D39z9lYg2lA&feature=related
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:52 | | |
| Les Chats
Les amoureux fervents et les savants austères Aiment également, dans leur mûre saison, Les chats puissants et doux, orgueil de la maison, Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.
Amis de la science et de la volupté, Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres ; L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres, S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.
Ils prennent en songeant les nobles attitudes Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin ;
Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques, Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin, Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:54 | | |
| Le Mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d'escargots Je veux creuser moi-même une fosse profonde, Où je puisse à loisir étaler mes vieux os Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux ; Plutôt que d'implorer une larme du monde, Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
O vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux, Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ; Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords, Et dites-moi s'il est encor quelque torture Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:56 | | |
| La Vie Anterieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux, Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d'une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, Et dont l'unique soin était d'approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir.
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Sam 27 Aoû - 23:57 | | |
| La Beauté
Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ; J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 0:02 | | |
| La Cloche fêlée
Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver, D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume, Les souvenirs lointains lentement s'élever Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante, Jette fidèlement son cri religieux, Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente !
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits, Il arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts, Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 0:03 | | |
| Obsession
Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales ; Vous hurlez comme l'orgue ; et dans nos coeurs maudits, Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis.
Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes, Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes, Je l'entends dans le rire énorme de la mer.
Comme tu me plairais, ô nuit ! sans ces étoiles Dont la lumière parle un langage connu ! Car je cherche le vide, et le noir, et le nu !
Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles Où vivent, jaillissant de mon oeil par milliers, Des êtres disparus aux regards familiers
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 0:04 | | |
| A une Passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 0:05 | | |
| La Mort des Amants
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères, Des divans profonds comme des tombeaux, Et d'étranges fleurs sur des étagères, Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique, Nous échangerons un éclair unique, Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;
Et plus tard un Ange, entr`ouvrant les portes, Viendra ranimer, fidèle et joyeux, Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Charles Baudelaire
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| Sujet: B Dim 28 Aoû - 0:08 | | |
| RECUEILLEMENT
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir; il descend; le voici: Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées; Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l'Orient, Entends, ma chère, entends la douce nuit qui marche.
Charles Baudelaire
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 16:21 | | |
| Sonnet Félix Arvers (1806-1850)
***
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère: Un amour éternel en un moment conçu. Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.
Hélas! j'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire, Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.
Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre, Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas;
A l'austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle: 'Quelle est donc cette femme?' et ne comprendra pas.
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 16:34 | | |
| Soleil Couchant
Les ajoncs éclatants, parure du granit, Dorent l'âpre sommet que le couchant allume; Au loin, brillante encor par sa barre d'écume, La mer sans fin commence où la terre finit.
A mes pieds, c'est la nuit, le silence. Le nid Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume; Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume, A la vaste rumeur de l'Ocean s'unit.
Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes, Des landes, des ravins, montent des voix lointaines De pâtres attardés ramenant le bétail.
L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre, Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre, Ferme les branches d'or de son rouge éventail.
José-María de Heredia
Dernière édition par Modo le Ven 28 Oct - 18:32, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Les sonnets Dim 28 Aoû - 16:59 | | |
| L'amour et la mer
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage Et la mer est amère, et l'amour est amer. L'on s'abîme en la mer aussi bien qu'en l'amour, Car l'amour et la mer ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage. Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer qu'il ne se laisse pas par l'amour emflammé Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage
La mère de l'amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau. Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes...
Pierre de Marbeuf |
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| Sujet: Re: Les sonnets Jeu 20 Oct - 19:35 | | |
| Le chat Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d'agate. Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s'enivre du plaisir De palper ton corps électrique, Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête Profond et froid, coupe et fend comme un dard, Et, des pieds jusques à la tête, Un air subtil, un dangereux parfum Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire - Extrait des Fleurs du mal |
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