Maintenant, qui était l'auguste propriétaire de ces lieux ?
Faisons sa connaissance.
L'empereur
Hadrien succède à l'empereur Trajan.
A gauche, Trajan, à droite
HadrienComme Trajan,
Hadrien est d'origine espagnole (il habitait, enfant, près de Séville)
Monnaie frappée pour commémorer son voyage en Espagne
A Rome, enfant, il sera parfois moqué pour son accent et son origine provinciale.
Il étudiera la littérature, et sera subjugué par la culture grecque.
L'empereur Trajan (qui était de sa famille éloignée) l'avait adopté.
Hadrien épousera (sans amour) Sabine, la nièce de l'empereur.
Ce qui lui permettra aussi plus facilement d'être désigné comme l'héritier du trône à la mort de Trajan.
L'impératrice Sabina
Lui et Sabine se supportaient à peine, juste pour la forme, et ils passèrent leur temps à s'éviter (avec un palais de cette taille, ce n'était pas difficile).
Il fut un des premiers empereurs à porter la barbe, un peu sur la mode grecque, mais aussi pour masquer -disait-on- une ancienne blessure de chasse.
Hadrien, qui avait été soldat, développa peu de goût pour la guerre. Il renonça même à la politique impérialiste et expansionniste de Trajan et préféra la paix.
Pour bien fixer les frontières, pour les protéger et délimiter clairement les limites de "l'Imperium romanum",
Hadrien fit construire des fortifications gigantesques aux frontières
notamment une gigantesque muraille en Angleterre (le fameux "
Mur d'Hadrien") qui existe encore sur des centaines de kilomètres.
Au cours de son règne (117-138),
Hadrien effectua cinq grands et longs voyages "touristiques" qui furent autant de tournées d'inspections, pour
voir l'ensemble de son empire et comprendre sur place comment les administrer au mieux.
Ces périples lui fournirent l'opportunité de se faire une idée plus juste de la situation de son Empire, des besoins de ses habitants, de l'état de l'armée, et surtout d'assouvir sa vaste curiosité culturelle, cultuelle (religieuse) et artistique.
Durant des années, il alla en Grèce, en Asie mineure, en Egypte, un peu partout en Afrique, en Espagne, en Gaule, en Angleterre, en Germanie, etc. C'est le seul à s'être intéressé autant à ses provinces, à vouloir donner une unité à un l'empire regroupant tant de cultures, tout en s'intéressant à sa diversité.
Et ce sont ces voyages qui vont lui inspirer son palais de vacances, regroupant des œuvres d'art et des éléments d'architecture appartenant à toutes les pays visités. On avait l'impression de voyager dans différents pays selon les endroits de la villa. Même les plantes qui l'ornaient venaient de l'étranger, selon les pays d'origine.
Monnaie frappée pour commémorer son passage en Egypte (qui sera très marquant pour lui, comme nous allons le voir)
Malgré son mariage, il multiplia les aventures les aventures féminines et masculines... jusqu'à ce qu'il rencontre ...
Antinoüs
Lors de son voyage en Bithynie, il tomba totalement amoureux d'
Antinoüs, qui devint son favori.
Antinoüs le suivit dès lors partout dans ses voyages pendant des années. Le jeune homme n'a apparemment jamais tenté de profiter de sa position pour exercer une influence sur les affaires publiques ou politiques, mais il prend part à des cérémonies religieuses publiques à ses côtés.
Il assiste par exemple, à Rome, à la pose par
Hadrien de la première pierre du temple gigantesque dédié aux Déesses Vénus et Rome, face au Colisée.
(temple conçu selon les plan d'
Hadrien lui-même)
Les restes de ce temple nous font bien voir son gigantisme
Au cours d'un séjour en Egypte, Antinoüs meurt noyé lors d'une croisière sur le Nil, à l'âge de 20 ans.
Fou de chagrin,
Hadrien le
divinisa/déifia (l'éleva au rang d'un dieu) et fit édifier des statues à sa mémoire à travers tout l'empire romain.
Antinoüs divinisé
Plusieurs rumeurs circulèrent alors, en plus de la mort accidentelle, notamment celle-ci :
Hadrien avait consulté des magiciens pour avoir une longue vie. Ils lui répondirent que ses désirs s'accompliraient, si quelqu'un consentait à mourir pour lui. Comme personne ne s'offrait pour ce sacrifice, Antinoüs s'y dévoua de lui-même par amour. Ce serait en reconnaissance de son sacrifice que l'empereur aurait rendu à sa mémoire les honneurs dont nous avons parlé.
Monnaie à l'effigie d'Antinoüs
Mais la mort par sacrifice n'est peut-être qu'une rumeur. Impossible de savoir la vérité. Peut-être était-ce un simple accident, comme l'évoque
Hadrien ; ou bien un sacrifice religieux, consenti ou non, visant à prolonger l'existence d'
Hadrien selon d'autres; ou même encore un meurtre, perpétré par des personnages haut placés craignant que l'Empereur n'adopte son favori pour en faire son successeur. Bref, c'est une sorte de Cluedo antique - le colonel moutarde, sur le Nil, avec le chandelier...
Toujours est-il qu'Antinoüs est mort et qu'
Hadrien devint inconsolable.
Toute une partie de la villa était un temple d'inspiration égyptienne, avec un obélisque en son centre, en l'honneur du dieu Antinous : l'antinoeion :
Sa richesse fait qu'il a été pillé au fil des siècles et qu'il n'en reste aujourd'hui que les traces au sol.
Hadrien passa ses dernières années dans la villa (
Villa Hadriana) qu'il s'était fait construire à Tibur (Tivoli)
et qu'il avait fait décorer des reproductions des plus belles œuvres d'art admirées partout au cours de ses voyages, comme un immense
musée des oeuvres d'arts du monde entier, concentrant le plus beau de la Grèce, de l'Egypte, etc.
Au fond se trouvait un immense
triclinium (salle à manger) en arc de cercle avec vu directe sr le bassin, et derrière le triclinium, un sérapeum, temple dédié au dieu égyptien Sérapis, et bien sûr à Antinoüs.
Le Canope.Le Canope est un plan d'eau qui était entouré d'un vaste portique de marbre, au milieu de la villa, symbolisant le canal qui relie Alexandrie à la ville de Canope.
Ce lieu évoquant l'Egypte est un autre hommage à Antinoüs.
Le dieu Nil, le fleuve où Antinous s'est noyé.
Le dieu Tibre
Reconnaissable à la louve allaitant Romulus et Rémus
Ex : une reproduction des
Cariatides, élément architectural grec célèbre de l'acropole d'Athènes où des statues de femmes servent de colonnes et portent un chapiteau sur leur tête
ex de
Cariatides en Grèce
Le dieu Mars, dieu de la guerre
Un crocodile évoquant le Nil, et l'Egypte :
Ainsi qu'un temple en l'honneur d'Isis, de Sérapis, et bien sûr d'Antinoüs.
Antinoüs divinisé, en style Pharaon d'Egypte
négligeant ainsi le palais du Palatin, car aimant la solitude et se mettre en retrait des affaires de la ville. Ce qui ne vaudra pas à
Hadrien d'être très populaire au sein du sénat.
Même au sein de ce palais éloigné, il avait fait édifier un bâtiment entouré d'eau comme une île, appelée le "
théâtre maritime" ... quand il voulait s'isoler encore plus.
Il s'agit d'une "île" sur laquelle se dresse un édifice circulaire de 45 mètres de diamètre, comprenant un atrium et un portique. S'y ajoutent un petit jardin, un petit complexe thermal, quelques pièces, dont une chambre, et des latrines.
Il s'agit donc d'une véritable « demeure dans la demeure », destinée à lui offrir un espace d'isolement et d'intimité pour se livrer à "l'otium" (temps de loisirs et d'
oisiveté où il s'adonnait à la lecture, à la peinture, à la méditation...) et, pour célébrer en quelque sorte la mystique de la fonction impériale, en se rendant en son centre tous les jours à midi pour recevoir - par une ouverture pratiquée intentionnellement dans le toit - un peu de lumière solaire tombant sur lui.
Il discutait avec les philosophes, dans une salle contiguë réservée à la culture.
Hadrien était un surdoué, doté d'une mémoire prodigieuse ainsi que d'une stupéfiante puissance de travail. Tout cela doublé d'un
esthète (= qui aime le beau, l'art, ce qui est esthétique), mais curieux des sciences, des religions, des philosophies, de tout.
Revers de cette médaille, ce prodige très conscient de sa supériorité intellectuelle, pouvait se montrer prétentieux.
Comme il se passionnait aussi d'architecture, il était jaloux de l'architecte Apollodore (concepteur du forum et des thermes de Trajan, de la colonne trajane, etc.), ne supportant pas qu'il puisse le reprendre. Apollodore se serait moqué plusieurs fois de ses plans architecturaux et même de ses peintures.
Le probable "suicide" forcé de l'architecte Apollodore est peut-être un exemple de cette jalousie…
Toujours est-il qu'
Hadrien fit bâtir, restaurer et embellir des édifices dans toutes les provinces où il se rendit, dont de nombreux temples grecs qui n'existeraient plus aujourd'hui s'ils ne les avaient fait restaurer.
À Rome même, l'empereur fit restaurer le célèbre
Panthéon (temple de tous les dieux) qui avait été victime d'un des incendies si fréquents à l'époque
fit édifier, sur ses propres plans, le gigantesque temple de Vénus et de Rome, qui surplombe le Colisée,
et même son propre tombeau gigantesque, le mausolée d'
Hadrien, devenu aujourd'hui le Château Saint-Ange, près du Vatican.
Et évidemment le célèbre palais d'
Hadrien, la "
villa hadriana", dont il s'investit personnellement dans les plans, et où il se retira ensuite jusqu'à sa mort.
La villa hadriana rassemblait
les répliques grandeur nature des édifices grecs et égyptiens qu’affectionnait l’empereur : le Lycée (école philosophique d’Aristote), l’Académie (école philosophique de Platon), le Prytanée (hôtel de ville grec), le Canope (sanctuaire du dieu Sérapis), le Poecile (portique d’Athènes décoré de peintures) ou la vallée de Tempé (terrain de chasse légendaire de Diane). Tout ça dans une "villa" de plaisance.
Vers la fin de sa vie, très affaibli et sans hériter,
Hadrien organisa sa succession en la personne qui deviendra l'empereur Antonin.
Il sera enterré à Rome dans le mausolée qu'il s'est fait construire, pour lui et son épouse Sabine, et qui servira à recueillir aussi les cendres de la dynastie des Antonins.
Pillée de ses richesses et détruite par les barbares aux VIe et VIIe siècles, la villa tomba à l’abandon
Au moyen-âge, on s'en servit de
carrière, on en brûla le marbre restant pour en faire de la chaux, et on prit ses pierres utiles pour les nouvelles constructions. Les vestiges abandonnés furent redécouverts à la renaissance, conduisant à un pillage systématique des sculptures, mosaïques, ornements et colonnes ouvragées. L'archéologie n'existant pas, les collectionneurs d'alors dépouillèrent le site de ses trésors restants et les disséminèrent un peu partout. Les statues qui y ont été exhumées enrichissent aujourd’hui les collections d'un peu tous les musées d’Europe, dont les collections égyptiennes du Vatican. Presque plus rien n'est sur place. Une immense partie du site reste à exhumer, même encore à présent. Les fouilles se poursuivent.
La villa Hadriana n'est plus aujourd'hui que l'ombre d'elle-même, pourtant cette ombre nous laisse entrevoir le gigantisme, le luxe, le raffinement et la culture qui rayonnait alors, et qui a tant influencé tant notre propre civilisation.
https://www.youtube.com/watch?v=zGdjf9wzHOI
Video "visite virtuelle" de sa villa que nous allons visiter, pour l'imaginer restaurée exactement comme du temps de son règne, à partir des éléments architecturaux découverts sur place.
Bonne visite