( contexte : Victime d'une malédiction de Vénus, condamnant Phèdre et toute sa famille descendant d'Apollon à n'avoir que des amours malheureuses, Phèdre avoue enfin à Oenone, sa nourrice, qu'elle est malgré elle amoureuse ... de son beau-fils )
(...)
Athènes me montra mon superbe Ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue.
Un trouble s' éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler,
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus, et ses feux redoutables,
D' un sang qu' elle poursuit tourments inévitables.
Par des voeux assidus je crus les détourner,
Je lui bâtis un Temple, et pris soin de l' orner.
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D' un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les Autels ma main brûlait l' encens.
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
J' adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,
Même au pied des Autels que je faisais fumer,
J' offrais tout à ce Dieu, que je n' osais nommer.
Je l' évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son Père.
(...)
Pour bannir l' Ennemi dont j' étais idolâtre,
J' affectai les chagrins d' une injuste Marâtre ;
(...)
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
(...)
J' ai revu l' Ennemi que j' avais éloigné.
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n' est plus une ardeur dans mes veines cachée.
C' est Vénus toute entière à sa proie attachée.
J' ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J' ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.