Sujet de brevet, correction.
Compréhension et compétences d’interprétation (32 points)
1) Le pronom « nous » désigne les trois enfants : Aurore, la narratrice, alias George Sand (puisqu'on sait par le paratexte que ce "je" n'est pas un personnage mais l' autobiographie de l'auteure) Hippolyte, que le paratexte présente comme le demi-frère d’Aurore, et Ursule, « la fille d’une servante ». Nous savons que ce sont des enfants grâce à la mention apportée par la ligne 13 « les enfants » ainsi que par les occupations auxquelles ils s’adonnent : jeux de rôle et d’imagination qui sont le propre de l’enfance. (2 points)
2) 5 points :
La scène se déroule en intérieur, en l'occurrence dans une chambre, comme l’indique le complément circonstanciel de lieu de la ligne 3 « dans cette grande chambre ».
Une "rivière" coule dans cette pièce de la maison familiale parce qu’elle y a été dessinée par les enfants à la craie pour imiter le cours de l’eau, ce que révèle la ligne 2 : « La rivière était dessinée sur le carreau et faisait mille détours ».
En outre, Hippolyte, afin de rendre la scène encore plus réaliste, y a versé le contenu du « pot à l’eau » (l. 29 ), ajoutant ainsi « à l’illusion générale » (L.30).
3) De nombreux éléments du texte concourent à montrer que « l’illusion gagne [les enfants] et les saisit véritablement ». En effet, le lecteur peut avoir lui-même l’impression de découvrir un texte épique montrant l’accomplissement d’exploits par de courageux aventuriers, rempli d'hyperboles (exagérations). Ainsi, l’eau semble parfois profonde, l'un manque de se noyer : l’expression de l’obligation des lignes 3 et 4, « il fallait trouver l’endroit guéable », laisse penser que les enfants vivent cette expérience comme si elle était réelle.
De même, l’emploi de l’imparfait a une valeur d'emploi évoquant l’habitude et souligne à quel point les enfants croient en leur jeu : puisqu’il « Hippolyte s’y [est] déjà noyé plusieurs fois » et qu’Ursule et Aurore « [l’aident] à se retirer des grands trous où il [tombe] toujours » (l. 4 et 5).
4) a) Tout au long du texte le jeu des enfants est comparé à une scène de théâtre, le champ lexical de ce genre littéraire est récurrent et jalonne tout l’extrait: : « faisait le rôle » (l.), « un drame » (l.), « une fiction scénique » (l.), « miment » (l.), « illusion », « mimodrames » (l.), « jouer une scène » (l.), « représentent » (l.), « personnages » (l.), « dialogues », « acteurs de profession » (l.), « improviser » (l.), « sur la scène » (l.), « dénouement » (l.), « dramatique » (l.), « représentation » (l.), « la toile tomba » (l.).
> Il faudrait préciser pour chaque expression la ligne.
4) b) Trois moments du récit montrent que la comparaison avec le genre théâtral organise le jeu des enfants. Tout d’abord, dans le premier paragraphe, nous assistons à la mise en place du décor, avec en particulier le dessin de la rivière à la craie : c’est dans ce lieu que va pouvoir se tenir la première péripétie, à savoir la noyade d’Hippolyte et l’aide que lui apportent Aurore et Ursule.
Le deuxième paragraphe et le troisième correspondent à de nouvelles péripéties concernant cette fois les deux jeunes filles : c’est à leur tour de passer la rivière. L’acmé de l’action (point culminant de la tension dramatique, apogée de cette tension) prend place dans le dernier paragraphe lorsqu’Hippolyte ajoute de l’eau « imitant ainsi un torrent et une cascade », suivi de très près par le "dénouement" inattendu de la pièce, lors de l’arrivée de la mère de la narratrice, furieuse, et de la punition des trois acteurs en herbe.
5) La narratrice se montre à la fois attendrie, admirative mais aussi ironique à l’égard de cet épisode de son enfance.
Ainsi, elle paraît émue au souvenir de ce jeu, comme le souligne la longue énumération des lignes 7 et 8 : l’enfance est l’âge propice du rêve, de l’imagination.
Elle admire cette capacité de l’enfance à jouer mieux que des « acteurs de profession » comme l’évoque l’emploi du vocabulaire mélioratif : « très vrais » (l. 21), notons en particulier l’adverbe d'intensité « très », « tant d’à-propos et de fécondité », utilisation d’un autre adverbe intensif.
Elle loue aussi cette propension innée et instinctive des enfants à « [représenter] certains personnages qui expriment des caractères » (l. 19 et 20), comme s’ils étaient de véritables dramaturges.
Elle apprécie enfin cette inventivité du langage spontané perceptible en particulier au vouvoiement naturel qu’emploient les deux filles lors de leur jeu.
En revanche, l’exclamation des lignes 13 et 14 paraît empreinte d’une tendresse ironique soulignant la naïveté des enfants, en particulier grâce à l’antithèse contenue dans le décalage entre « quel vaste espace » et « de la table au lit et de la cheminée à la porte », qui montre à quel point l’espace parcouru en imagination peut s’avérer éloigné de la réalité.
6) Cette photographie en noir et blanc de Robert Doisneau, appelée La valse des pompons (métonymie désignant les marins), pourrait illustrer le texte pour différentes raisons. Tout d’abord en ce qu’elle a pour sujet des enfants en train de jouer.
En effet, la vue en plongée nous permet de voir neuf enfants se donnant la main et formant de la sorte une ronde (comme l’indique le titre La ronde des pompons), les pieds levés nous les présentent en mouvement. Ces éléments rappellent notre extrait puisque la scène narrée évoque des « enfants » (l. 13) en plein « jeu » (l. 1).
En outre, les deux documents font référence à un univers aquatique : le texte évoque une aventure dans une « rivière » qu’ il [s’agit] de passer », le champ lexical de l’eau y est dominant. L’image, quant à elle, montre en son centre un bateau et des enfants portant tous un béret à pompon, un « bachi », couvre-chef caractéristique de la tenue des marins.
10) Réécriture :
Ils s’étaient déjà noyés plusieurs fois, nous les aidions à se retirer des grands trous où ils tombaient toujours, car ils faisaient le rôle du maladroit ou de l’homme ivre, et ils nageaient à sec sur le carreau en se débattant et en se lamentant.
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