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La vie chère - Nouvelle d'Argilli

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MessageSujet: La vie chère - Nouvelle d'Argilli
La vie chère - Nouvelle d'Argilli Icon_minitimeSam 4 Aoû - 22:19

" Eh ! les enfants ! s’écrièrent les parents de Paul et Sophie. Venez voir ce que nous vous avons apporté !"
 
Les enfants accoururent, mais restèrent stupéfaits en s’apercevant à quel point tous deux avaient vieilli durant ces quelques heures d’absence : ils avaient beaucoup de cheveux blancs, de nombreuses rides sur le visage, et ils semblaient même un peu voûtés. Pourtant, ils étaient tout joyeux, et leur père jeta sur la table une belle liasse de billets de banque.
 
"Finis les ennuis ! dit-il en chuintant un peu, car il lui manquait deux dents. Pendant un certain temps nous n’aurons plus de souci à nous faire pour la nourriture, pour le loyer, pour vos études..."
Paul regarda cet argent, puis à nouveau le visage vieilli de ses parents.
 
" Alors, balbutia-t-il, vous l’avez fait vous aussi !"
 
 
 
Dans ce pays, non seulement il était permis de vendre son sang ou un rein, ou la cornée d’un œil, mais, depuis qu’on avait inventé la transfusion des années, on voyait apparaître dans les journaux des petites annonces qui disaient :
 
« URGENT. AFFAIRE A SAISIR. SUIS ACHETEUR... »
 
L’acheteur en question précisait combien d’années il désirait acquérir, et à quel prix. Ceux qui avaient besoin d’argent répondaient à l’annonce, passaient un contrat en règle et, dès la fin de la transfusion, étaient payés comptant.
 
"Eh bien oui, dit la mère, nous avons vendu dix ans chacun. Mais ne vous inquiétez pas, la transfusion a été absolument indolore.
 
- C’est une chance, ajouta le père, qu’à nous autres, les pauvres, il nous soit offert cette possibilité et qu’il y ait des gens qui paient les années un bon prix.
 
- Mais vous avez raccourci votre vie de dix ans ! s’exclama Paul. C’est moi qui aurais dû le faire, moi qui ai encore tant d’années à vivre. Je l’aurais fait de tout mon cœur !"
 
Il était si navré que ses parents en furent émus.
 
" Ne pleure pas, dirent-ils en le serrant dans leurs bras, c’est bien volontiers que nous avons fait ce sacrifice."
 
Sophie, en revanche, se tenait à l’écart, l’air sérieux, sans rien dire. Même pendant le dîner elle n’ouvrit pas la bouche.
Une fois couchés, les parents n’éteignirent pas la lumière et restèrent un bon moment à parler. - Comme il s’est montré affectueux, notre petit Paul. Il nous aime vraiment. Sophie, par contre, n’a pas soufflé mot. Franchement, je ne m’attendais pas à une telle indifférence de sa part."
 
 
 
 
 
Pendant ce temps, dans sa chambrette, Sophie ne décolérait pas.
" Une chance, tu parles, c’est une injustice ! C’est une révolution qu’il faudrait ! Dommage que je sois trop petite pour la faire... Tiens, au fait, et si je vendais une douzaine d’années ? Comme ça je pourrais commencer tout de suite, j’expliquerais aux gens que c’est injuste, je distribuerais des tracts...
- Cher petit Paul, disait cependant sa mère. Lui, oui, il est sensible !
- Quand je pense que Sophie n’a pas bronché, soupira son père. Enfin, éteignons... Bonne nuit !"
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