L'avocat

La porte d'une somptueuse voiture s'ouvre, un homme charmant, chic, élégant et raffiné en sort. Il est imposant, impressionnant, magistral. Sa haute et large carrure se distingue des autres hommes dans la rue. Rien ne semble lui résister. Ses cheveux tirés et plaqués en arrière, son nez aquilin, sa fine bouche, ses yeux observateurs, rien ne dépasse, tout est parfait. Son soyeux costume, taillé sur mesure, magnifique. Ses chaussures, elles aussi magnifiques, parfaitement vernis.

Dans la rue, tout le monde le remarque, ses pas assurés ne laissent personne indifférent. Il traverse la foule, tel la houle de l'océan, une ondulation parfaite. On a l'impression que les gens s'écartent à son passage. A sa main droite pend une sacoche de cuir, rebondissant au rythme régulier de sa marche rapide. A sa main gauche, son téléphone portable qu'il ne cesse de regarder, il attend un appel, il est très occupé. Lorsqu'il marche, on peut voir ses yeux observateurs, détailler les moindres passant, la moindre façade d'immeuble. Rien ne lui échappe. Lors, des audiences, son ton est dur, ses mains croisées, il fait les cent pas, tout en parlant d'une voix dure, forte, puissante. Il montre les gens du doigt, sans aucun gêne, d'une assurance déconcertante. Rien ne semble l'atteindre.

Pourtant, quelquefois, le soir, en rentrant d'une multitude de procès, dans son grand appartement vide du 16e, il se questionne, il s'interroge. Que sont devenus les personnes qu'il a défendues, ou au contraire celle qu'il accusées ? A quoi rime son métier ? N'est-ce pas malhonnête d'accuser des personnes innocentes ? Ne devrait-il pas avoir des regrets ? C'est un homme qui semble inébranlable, cependant c'est juste un colosse aux pieds d'argiles.

L'accusé

De ce banal véhicule, sort un homme ordinaire. Sûrement de classe moyenne. Dans son pull au col en V trop serré et son jean abimé. De taille moyenne, ses cheveux châtains coupés courts, son nez assez imposant et ses petits yeux noisettes. Il semble juste être comme les autres. Il est petit, chétif, fébrile, dans ses habits, soit trop amples, soit trop étroits.

Dans la rue, personne ne le remarque, ses pas légers, mal assurés. Tout autant que les autres passants. Il traverse difficilement la foule, subissant les bousculades et les coups de coudes des autres piétons. On a l'impression d'avoir affaire à un fantôme. Ses deux mains enfoncées dans les poches de son ciré jaune criard. Sa démarche lente, plate, il avance tout en regardant les beaux immeubles qui se trouvent autour de lui, ainsi que l'allure des urbains. Durant l'audience, il est sagement assis sur sa chaise, ses mains se tortillant nerveusement entre elles. Lorsqu'il parle sa voix est frémissante, tremblotante, il baisse les yeux, n'ose pas regarder l'audience. Il semble être à la merci de tout et de tous.

Pourtant, le soir, quand il rentre chez lui, il est heureux de voir ses enfants et sa femme. Il aime son métier et son entourage. Aucune question ne traverse son esprit sur sa réussite sociale. Sa vie, il en est fier. Il parle fort lorsqu'il s'adresse à sa famille, il sait hausser la voix quand il le faut. C'est un homme qui semble banal et fragile, cependant c'est un homme bien dans sa peau et heureux.